Terre contre asphalte : comment le freinage se différencie dans le WRC 2018

30/01/2018

 Des surfaces hétérogènes exigent des systèmes de freinage spécifiques et différentes façons de freiner. Brembo vous explique tout en quelques minutes

​«Ceux qui gagnent font la fête, ceux qui perdent donnent des explications» a coutume de dire Julio Velasco, l’un des entraîneurs de volley-ball les plus célèbres du monde. Nous, chez Brembo, non seulement nous avons tout gagné dans le WRC 2017, mais en plus nous vous expliquons pourquoi. Lors de la dernière édition, disposer de freins Brembo a constitué une condition nécessaire (mais pas suffisante) pour être victorieux dans le WRC comme dans le WRC 2. Nécessaire car les deux vainqueurs 2017 du WRC et du WRC 2 (Sébastien Ogier avec la M-Sport World Rally et Pontus Tidemand avec la Skoda Motorsport) étaient équipés avec des systèmes de freinage Brembo. Pas suffisante car de nombreux autres pilotes, eux aussi équipés de freins Brembo, ont dû se contenter de positions moins prestigieuses. Pour 2018, chez Brembo, nous aurions pu nous limiter à faire la fête. Mais nous avons décidé de vous expliquer comment fonctionne le freinage des WRC actuelles sur l’asphalte comme sur la terre, quelles sont les conditions qui rendent le freinage critique et quels sont les rallyes de la saison qui va débuter les plus durs pour les freins.

 

 

LES SOLUTIONS TECHNIQUES

Le règlement technique n’a pas changé par rapport à 2017 et les solutions techniques proposées par Brembo n’ont pas subi de modifications substantielles. La recherche a toutefois permis de perfectionner certains composants utilisés lors du dernier championnat. Le règlement permet l’utilisation de disques de 370 mm de diamètre, mais uniquement dans les courses sur l’asphalte : jusqu’en 2016, la taille maximale autorisée était de 355 mm. En général, sur chaque voiture, les disques sont remplacés à la fin de la journée, même si, en termes de sécurité, il serait possible de réaliser tout un rallye sans les changer. Néanmoins, les performances de freinage seraient moins élevées car l’usage poussé de ces voitures a tendance à réduire le rainurage des disques au bout de 150 km, ce qui rend le système de freinage moins réactif et efficace et le refroidissement plus lent. L’augmentation de puissance des systèmes de freinage risque toutefois de se traduire par une trop grande surchauffe. Pour remédier à ce problème, les constructeurs ont rendu les prises d’air avant plus efficaces et réalisé de nouvelles prises d’air à l’arrière : Brembo a signalé aux différentes écuries la quantité d’air nécessaire pour refroidir le disque et l’étrier de frein. L’hypothèse du refroidissement à eau a en revanche été écartée après une analyse méticuleuse des avantages et des inconvénients : cette solution se traduit en effet par un poids supérieur des étriers et des composants accessoires et peut, en outre, se révéler peu sûre en cas de rupture de la pompe. Par ailleurs, les ingénieurs Brembo sont convaincus qu’avec les prises d’air il est possible de contrôler les températures. Brembo a mis au point un système de prises d’air à deux canalisations pour chaque roue : une qui se dirige vers le centre du disque et une autre directement orientée vers l’étrier de frein. Pour l’arrière, sur un côté, les canalisations peuvent être supérieures car elles pourraient être utilisées pour refroidir d’autres composants de la voiture.


 
 

LES ÉCURIES

Pour le 21e championnat consécutif, Brembo sera le fournisseur de l’écurie M-Sport Ford WRT qui, cette année encore, compte le champion du monde Sébastien Ogier ; ce sont les pilotes Elfyn Evans, Bryan Bouffier et Teemu Suninen qui seront au volant des deux autres Ford Fiesta WRC. Brembo a également réalisé la quasi totalité du système de freinage des trois Hyundai i20 Coupé WRC confiées à Andreas Mikkelsen, Hayden Paddon, Thierry Neuville et Dani Sordo. Pour les deux écuries, Brembo a réalisé les étriers, les maîtres-cylindres, les disques, les plaquettes et même les pédaliers. Les trois Toyota Yaris WRC n’utilisent en revanche que quelques composants produits de Brembo.


 

LES VARIABLES QUI INFLUENT SUR LES FREINS

Dans le championnat du monde des rallyes, les variables dont les pilotes et les écuries doivent tenir compte sont nombreuses et influent, entre autres, sur les caractéristiques du système de freinage. Voici les plus importantes :

1) L’augmentation de l’adhérence demande encore plus d’effort au système de freinage.
Dans le WRC, certaines courses se caractérisent par un tracé enneigé, d’autres par un parcours verglacé, d’autres encore prévoient la traversée de cours d’eau. Les sols du WRC sont également très différents car ils vont de l’asphalte à la terre, en passant par le sable et le gravier. Tout cela se traduit par des adhérences différentes qui conditionnent le fonctionnement des freins.

2) Plus le tracé est tortueux, plus les sollicitations du système de freinage sont importantes.
Les tracés des spéciales influent aussi sur l’effort des freins : un rallye caractérisé par de nombreuses lignes droites et des freinages demande un effort différent d’un tracé où les virages se succèdent.

3) En cas de nombreuses descentes, le système de freinage est plus stressé.
Les variations d’altitude sont également significatives en termes d’effort demandé aux freins : une course sur le plat ne nécessite pas le même effort qu’un rallye où s’alternent des montées abruptes et de grandes descentes. C’est grâce à sa longue expérience acquise dans le championnat du monde des rallyes que Brembo est en mesure de réaliser des systèmes de freinage différenciés en fonction des conditions que les voitures doivent affronter.

 

 

LES RALLYES SUR TERRE


 

Dans les rallyes sur terre, les pilotes ont l’habitude de corriger constamment la trajectoire de la voiture : pour la remettre au centre de la chaussée, ils utilisent le frein en permanence en l’actionnant avec le pied gauche. Cela ne permet pas au système de freinage de « cycler » car il est toujours sous pression : il n’y a donc pas assez de temps pour le refroidissement du système. Sur terre, des disques de grandes dimensions ne sont pas utiles car il n’existe généralement pas de freinages secs après de longues lignes droites comme c’est le cas dans les courses sur asphalte : le diamètre des disques Brembo est de 300 mm (inchangé par rapport à 2017) et l’épaisseur est comprise entre un minimum de 25,4 mm et un maximum de 28 mm. Dans les courses moins ardues, ce sont des disques Brembo super légers qui sont utilisés car ces courses ne requièrent pas tout le matériel indispensable, en revanche, dans les courses où les freins sont le plus sollicités. Les plaquettes Brembo avec base en céramique sont plus « soft » que celles qui sont utilisées sur l’asphalte pour éviter le blocage des roues et réduire la surchauffe des disques : le matériel est le RB330. Sur les 13 courses qui composent le WRC 2018, la plus difficile pour le système de freinage, selon les techniciens Brembo qui travaillent sur le terrain, est le rallye du Mexique : les épreuves spéciales sont assez vallonnées et sont notamment caractérisées par des descentes impressionnantes où les freins jouent un rôle décisif.

 

 

​ Dans la spéciale Ibarilla, les pilotes passent de 2 599 à 2 065 mètres en une vingtaine de kilomètres. Le rallye d’Italie met en difficulté les systèmes de freinage car il se déroule sur des sols en terre à forte adhérence avec des changements de direction continus qui nécessitent sans cesse des corrections avec le frein. Le tracé présente aussi de nombreuses montées et descentes qui requièrent l’utilisation des freins pour ne pas sortir de la route. Dans la catégorie des rallyes sur terre extrêmement difficiles pour les systèmes de freinage, citons aussi le rallye d’Argentine : le problème, dans ce cas, est déterminé par la traversée de gués qui peuvent produire un choc thermique. Il existe un risque de formation de criques sur les disques et de décollement des garnitures des plaquettes. Le choc thermique peut aussi se produire au rallye de Suède : s’il est tombé beaucoup de neige, l’arrière des voitures se déplace beaucoup et peut finir par heurter les tas de neige qui entrent en contact avec les freins arrière. Par ailleurs, en cas de neige abondante, l’adhérence est faible. À l’inverse, s’il a peu neigé, les clous pénètrent plus facilement dans le sol compact, ce qui garantit une meilleure adhérence. La combinaison de ces deux éléments conduit à l’évaluation d’une difficulté moyenne pour le système de freinage. Le rallye de Galles et le rallye de Finlande comptent parmi les courses moins ardues pour le système de freinage : le premier est fameux pour la boue qui le rend particulièrement glissant et donc sans adhérence. Quant au rallye des mille lacs, pourtant caractérisé par des tronçons très rapides, il présente une surface glissante, due au gravier couvrant le sol, qui réduit l’adhérence des premières voitures qui passent.


 

 

LES RALLYES SUR ASPHALTE

Dans les rallyes sur asphalte, pour être rapides, il est indispensable d’adopter une conduite extrêmement précise avec le moins de corrections possible. Dans ces courses, les tracés prévoient une alternance de lignes droites, de virages rapides, où aucun effort n’est demandé aux freins, et de freinages secs d’une grande intensité : le couple de freinage est alors très élevé. De même, sur l’asphalte, les disques de frein Brembo à piste de freinage en fonte ont des dimensions supérieures à ceux des rallyes sur terre : 370 mm de diamètre et 30 à 32 mm d’épaisseur. Les 370 mm sont un choix obligé à l’avant alors qu’à l’arrière certains constructeurs ont aussi homologué les disques de 355 mm et de 320 mm : selon les conditions et la sensation du pilote, ils pourront donc choisir entre les deux solutions. Les plaquettes avec base en céramique sont plus agressives que celles qui sont utilisées sur les sols en terre : le meilleur mordant est exprimé par le mélange Brembo RB350.


 

 

Le Tour de Corse et le rallye d’Allemagne sont les rallyes sur asphalte les plus difficiles du WRC 2018. Sur le sol allemand, l’adhérence est assez élevée, en particulier dans la spéciale Arena Panzerplatte où l’asphalte a été remplacé par des dalles de ciment. De plus, cette course se caractérise par une infinité de freinages à 90 degrés qui interrompent de longues lignes droites. La Corse, en revanche, présente des routes très tortueuses où il est nécessaire de recourir constamment aux freins pour contrôler la trajectoire et la vitesse, ce qui entraîne une très forte élévation des températures. Quant au rallye de Monte-Carlo, sa difficulté est moyenne pour le système de freinage mais sa valeur est le résultat d’une moyenne de deux tronçons totalement opposés : les premières spéciales, autour de Gap, peuvent offrir une excellente adhérence en l’absence de neige et sont donc très insidieuse. Les dernières, au-dessus de Monaco, mettent au contraire les voitures aux prises avec la neige et le verglas et requièrent donc un recours aux freins presque nul. Cela vaut aussi pour le rallye d’Espagne qui démarre sur l’asphalte et se termine sur la terre : les voitures partent préparées pour l’asphalte, freins inclus. Quand la surface change, les mécaniciens remplacent les différentiels, les suspensions et même le système de freinage.