Formule 1 contre Le Mans : étude comparée des systèmes Brembo et des performances de freinage

07/06/2019

 Brembo compare les systèmes de freinage fournis aux équipes des deux compétitions et leurs performances de freinage

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La Formule 1 et les 24 heures du Mans représentent depuis près d’un demi-siècle les deux courses les plus importantes du monde pour les prototypes à 4 roues : les investissements massifs que les constructeurs ont effectués au cours de ces dernières années, ont permis à ces monoplaces de disposer de moteurs hybrides atteignant une puissance de mille chevaux.

Les Formule 1 obtiennent ces résultats Grâce à des unités de puissance constituées six éléments différents : le moteur à combustion interne à 6 cylindres, 1,6 litres de cylindrée et un nombre maximal de 15 000 tours par minute ; le turbocompresseur ; le MGU-H (Motor Generator Unit – Heat) ; le MGU-K (Motor Generator Unit – Kinetic) ; l’électronique de commande ; la batterie.

Aux 24 Heures du Mans, les constructeurs disposent d’une grande liberté de choix dans la réalisation des unités de puissance : certains misent sur un moteur biturbo de 2,4 litres avec récupération de l’énergie cinétique et d’autres sur un simple moteur atmosphérique de 4,5 litres (le règlement fixe une limite de 5,5 litres).

En Formule 1, les décélérations sont très intenses, avec des valeurs souvent supérieures à 5g (à Monza, elles atteignent les 5,6g), alors qu’aux 24 Heures du Mans l’intensité du freinage ne dépasse pas les 3,3g, en raison de la différence de masse des deux prototypes.

​Une monoplace de Formule 1 affiche un poids minimal de 743 kg avec le pilote à bord, alors qu’une LMP1 qui court au Mans pèse au minimum 875 kg. Les LMP1 non hybrides peuvent toutefois peser 45 kg de moins et descendre ainsi à 830 kg. 


 

 

 

DE 100 MINUTES À 24 HEURES, LA DIFFÉRENCE EST ÉNORME


Alors qu’en Formule 1 la course dure souvent 100 minutes et ne dépasse pas deux heures, les 24 Heures du Mans dure toute une journée. En ce sens, la comparaison entre deux tracés similaires, en termes de longueur, tortuosité, de situation géographique et de climat, est instructive.

Durant le GP de Belgique, à Spa, les monoplaces de Formule 1 sont amenées à affronter environ 310 freinages, alors que le nombre total de freinages pour une LMP1 aux 24 Heures du Mans peut être supérieur à 4 200. Un véritable défi pour Brembo qui a toutefois acquis, durant deux décennies, une solide expérience dans les courses d’endurance pour lesquelles elle a réalisé des solutions spécifiques.

Le seul élément commun entre les automobiles qui disputent les deux compétitions réside dans le carbone dont sont composés les disques. En revanche, les caractéristiques des disques diffèrent, comme vous pouvez le voir dans le tableau ci-dessous, parfois considérablement : 


 

 

Formule 1 24 Heures du Mans
​Épaisseur des disques​jusqu’à 32 mm30-32 mm
Diamètre des disques avant​278 mmjusqu’à 380 mm
Diamètre des disques arrière260 - 272 mmjusqu’à 355 mm
Nombre de trous de ventilation ​​Jusqu’à 1480​entre 36 et 430
Plage d’utilisation 350-1000 degrés350-800 degrés
Usure par évènement​Moins de 1 mm3-4 mm pour le disque et 8-10 mm pour la plaquette​
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Quant au diamètre différent des disques, il est lié à la taille des jantes des championnats respectifs : en Formule 1 ce sont des jantes de 13 pouces qui sont actuellement admises tandis qu’aux 24 heures du Mans ce sont les jantes de 18 pouces qui sont utilisées. ​

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LES DEUX EXTRÊMES DE LA VENTILATION


En Formule 1, la ventilation est cruciale pour éviter la surchauffe des systèmes. En fonction des températures prévues durant un Grand Prix et de la stratégie de course spécifique, chaque pilote pourra choisir entre 3 solutions de disques Brembo différentes : environ 800 trous, 1 250 trous ou 1 480 trous. ​

Les écuries peuvent compter sur un dessin de refroidissement personnalisé, indispensable pour améliorer l’évacuation de la chaleur : la température des disques en F1 peut en effet atteindre des pics de 1 000 °C durant le freinage. La ventilation des LMP1 n’est pas aussi primordiale car, aux 24 Heures du Mans, les écuries ont le problème inverse à celui de la Formule 1 : au lieu de refroidir, les systèmes doivent empêcher que la température de trop baisser, notamment la nuit ou sous régime de neutralisation.

Cela explique l’utilisation d’un nombre de trous de ventilation qui, en Formule 1, étaient adoptés il y a des années. Au Mans, il faut empêcher la température des disques en carbone de descendre au-dessous des 350 °C, ce qui générerait la « vitrification » (glazing) du matériel de friction entraînant une perte d’efficacité au freinage et une usure précoce du disque. Pour éviter ce danger, Brembo met à disposition du matériel de friction pour disques et plaquettes caractérisé par une conductivité thermique plus efficace. 


 

 

 

USURES DIFFÉRENTES, CONTRÔLES COMPLÉMENTAIRES


Comme en Formule 1, les LMP1 des 24 Heures du Mans utilisent les plaquettes Brembo en carbone : leur épaisseur est bien sûr supérieure pour garantir leur parfaite efficacité pendant les 24 heures de course. Il faut savoir qu’en Formule 1, l’usure des plaquettes et des disques durant la course est inférieure à un millimètre, alors que les prototypes qui courent au Mans présentent une usure de 3 à 4 mm pour le disque et de 8 à 10 mm pour la plaquette. ​

Pour surveiller l’usure, les monoplaces de Formule 1 sont équipées de capteurs qui permettent aux ingénieurs, dans les stands, de connaître en temps réel les températures des disques et des étriers et, dans certains cas, l’avancée des pistons : ils peuvent ainsi calculer l’usure du disque et de la plaquette.

 
 

Cela leur permet d’être réactif, quelles que soient les conditions d’utilisation, et d’envoyer en temps réel au pilote des communications sur la modification du répartiteur de freinage et de la gestion de la récupération de l’énergie lors du freinage de la monoplace. 


 

Les disques Brembo des monoplaces du Mans sont aussi équipés de capteurs mais présentent aussi des rainures de différentes profondeurs qui permettent, durant l’arrêt aux stands pour le ravitaillement et le changement de pilote, une évaluation rapide de leur état. Quand l’une de ces rainures n’est plus visible, cela signifie que le disque a subi une usure supérieure à la profondeur de la rainure à l’état neuf. Bien entendu, quand la dernière rainure a disparu, le disque doit être remplacé car il n’offre plus les performances d’origine. ​ ​


 

​COMPARAISON DES PERFORMANCES DE FREINAGE


Puisque ces deux catégories de voitures ne courent pas sur le même circuit, il peut sembler impossible de comparer leurs performances de freinage. Pour pallier ce problème, nous avons décidé de prendre en compte les freinages les plus durs des deux courses, en calculant pour chacune les décélérations moyennes en fonction du temps et de la distance de freinage.

Évidemment, les Formule 1 et les LMP1 sont des voitures globalement très dissemblables et leur comportement différent en phase de freinage ne peut pas et ne doit pas être attribué exclusivement aux freins. 


​Les assiettes des voitures, les charges aérodynamiques et surtout les tailles et les mélanges des pneumatiques, dissemblables entre les deux voitures, jouent un rôle tout aussi important dans la détermination des différentes performances de freinage. Quelles qu’en soient les limites, l’exercice a toutefois fourni des résultats intéressants. ​ ​   

 

 

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LMP1 : FREINAGE PLUS LONG D’ENVIRON 20 MÈTRES PAR SECONDE


À la première chicane du Mans (virage numéro 4 du tracé), les LMP1 arrivent à 335 km/h et freinent pendant 3,21 secondes durant lesquelles elles parcourent 195 mètres. Leur vitesse descend ainsi à 110 km/h, à savoir la vitesse maximale pour affronter cette chicane sans sortie de route. Pour y parvenir, les pilotes exercent sur la pédale de frein une charge qui peut atteindre 105 kg et sont soumis à 3,21g de décélération. ​

À l’entrée de la Prima Variante de Monza (premièr virage de la piste du GP d’Italie), les Formule 1 se présentent à 349 km/h et, sur une distance d’à peine 137 mètres, elles descendent à 87 km/h en 2,72 seconde. Pour les pilotes, l’effort exigé est impressionnant : 5,6g de décélération et une charge sur la pédale de frein de 196 kg. Cela signifie qu’une Formule 1 est en mesure de perdre au freinage 96 km/h (349-87/2,72) en une seule seconde alors que les LMP1, si exceptionnelles soient-elles, se contentent de réduire leur vitesse de seulement 70 km/h (335-110/3,21) par seconde. 


 

Quelques objections pourraient nous être opposées : à Monza, pour atteindre des pics élevés de vitesse, les monoplaces utilisent une assiette très basse et cela favorise la hausse des valeurs. ​​​


Vous n’avez pas totalement tort mais même les tracés tortueux comme Singapour et Monaco confirment l’incroyable puissance de freinage des Formule 1. À Singapour, au premier virage du Marina Bay Street Circuit, les monoplaces de Formule 1 freinent pendant 1,70 seconde pour passer de 326 km/h à 154 km/h : elles perdent donc en une seconde plus de 101 km/h. Au premier virage après le tunnel (numéro 10) du GP de Monaco, les monoplaces passent de 297 km/h à 89 km/h en 2,48 secondes : elles subissent donc en une seconde une décélération de 84 km/h. ​


 

LES FORMULE 1 PLUS EFFICACES AU FREINAGE D’ENVIRON 0,5 KM/H PAR MÈTRE DE FREINAGE


 


La différence peut sembler minime mais, exprimée en d’autres termes, elle devient impressionnante : sur 72 mètres de freinage, une monoplace de Formule 1 perd plus de 105 km/h alors que, sur la même distance, les prototypes LMP1 réduisent leur vitesse d’environ 70 km/h. Pour la Rascasse de Monaco, les 72 mètres de freinage garantissent une perte de vitesse de 150 km/h. 


 

Le contrôle effectué sur les pistes de Singapour et Monaco fait apparaître la même différence de performance au freinage : au premier virage du Marina Bay Street Circuit, les monoplaces de Formule 1 freinent sur seulement 105 mètres et au premier virage après le tunnel du GP de Monaco sur 118 mètres. Dans le premier cas, 105 mètres de freinage permettent une décélération de 172 km/h, dans le second, 118 mètres permettent de perdre 209 km/h. ​

Pour revenir aux données des 24 Heures du Mans et du GP d’Italie, le nombre de km/h perdus sur un seul mètre de freinage confirme la supériorité de puissance de freinage des Formule 1 : à la chicane 1 du circuit de la Sarthe, à chaque mètre de freinage correspond une perte de vitesse de 1,15 km/h alors qu’à la première chicane de Monza chaque mètre de freinage implique une perte de vitesse de 1,91 km/h.​


 

En conclusion, dans un défi hypothétique entre une F1 et une LMP1 concernant le freinage, au cours des 300 à 500 premiers kilomètres de course, les Formule 1 seraient nettement en tête. Toutefois, les F1 se retrouveraient, ce qui n’a rien de surprenant, avec des freins usés au bout d’à peine un huitième de course en cas d’affrontement aux 24 Heures. ​​​